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L’ochronose exogène liée à la dépigmentation cosmétique à Dakar: Aspects épidémiologiques, anatomocliniques et dermoscopiques
[Exogenous ochronosis associated with cosmetic skin bleaching in Dakar: Epidemiological, anatomoclinical and dermoscopic aspects]
Birame Seck1, Mame Téné Ndiaye1, Boubacar Ahy Diatta2, Assane Diop1, Saer Diadie2, Maodo Ndiaye2, Fatimata Ly1, Suzanne Oumy Niang2, Moussa Diallo2
1Dermatology Department, Social Hygiene Institute Hospital, Dakar, Senegal, 2Department of Dermatology, Aristide Le Dantec Hospital, Dakar, Senegal
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ABSTRACT
Background: Exogenous ochronosis is one of the classic complications of cosmetic skin bleaching, most commonly associated with the use of hydroquinone-containing lightening products. There are very few studies specifically describing these different characteristics. We aimed to determine the epidemiological, anatomical-clinical, and dermoscopic aspects of exogenous ochronosis at the University Hospital of Dakar.
Material and Methods: A descriptive, prospective study was conducted over six months at the Dermatology Department of the University Hospital of Dakar. All patients consulted for exogenous ochronosis were included.
Results: A total of 47 female cases were included with a mean age of 43.5 years. The majority (93.6%) used hydroquinone-based lightening products. The average delay between the onset of exogenous ochronosis and the start of cosmetic skin bleaching was 8.8 years. Ochronosis lesions were pruritic in 23.4% of cases and classified as Dogliotti stage 2 in 87.2%. The most common site was the malar region (89.4%), followed by the neck (42.6%) and forearms (40.4%). On dermoscopy, all cases showed irregular globular, grey-blue, annular or arciform structures around the hair follicles. Telangiectatic capillary networks were present in 36.2% of cases. Anatomopathological studies performed in 8 patients showed abnormalities in the superficial and middle dermis, with intense fibrosis (n=8), elongated yellowish banana-shaped deposits (n=6), telangiectasias (n=3) and perivascular inflammatory infiltrate (n=2).
Conclusion: Our study shows a relatively low incidence of exogenous ochronosis in hospital practice. It is mainly associated with the prolonged use of bleaching products containing hydroquinone. Dermoscopy is an interesting diagnostic tool for exogenous ochronosis and also provides a better understanding of the mechanism by which it occurs.
Key words: Exogenous ochronosis, Cosmetic skin bleaching, Hydroquinone, Dermoscopy
RESUME
Introduction: L’ochronose exogène est l’une des complications les plus classiques de la dépigmentation cosmétique liée le plus souvent à l’utilisation de produits éclaircissants contenant de l’hydroquinone. Il existe très peu d’études qui décrivent spécifiquement ces différentes caractéristiques. Notre objectif était de déterminer les aspects épidémiologiques, anatomocliniques et dermoscopiques de l’ochronose exogène au CHU de Dakar.
Matériel et méthodes: Il s’agissait d’une étude transversale descriptive réalisée sur une période de 6 mois (du 01 Avril au 30 septembre 2019) dans les services de Dermatologie du CHU de Dakar. L’étude avait inclus tous les patients consultant pour une ochronose exogène.
Résultats: Nous avons colligé 47 cas, tous de sexe féminin, d’âge moyen de 43,5 ans. La majorité (93,6%) utilisaient des produits éclaircissants à base d’hydroquinone. Le délai moyen d’apparition de l’ochronose exogène par rapport au début de la dépigmentation cosmétique était de 8,8 ans. Les lésions d’ochronose étaient prurigineuses dans 23,4% des cas, et étaient classées au stade 2 de Dogliotti dans 87,2%. La région malaire était le site le plus affecté (89,4%), suivie de la nuque (42,6%) et des avant-bras (40,4%). En dermoscopie, tous les cas présentaient des structures globulaires irrégulières, gris-bleuâtres, de forme annulaire ou arciforme, localisées autour des follicules pileux. La présence d’un réseau capillaire télangiectasique était retrouvée dans 36,2% des cas. L’étude anatomopathologique, réalisée chez 8 patientes, montrait des anomalies au niveau du derme superficiel et moyen à type de fibrose intense (n=8), de dépôts jaunâtres allongés en forme de banane (n=6), de télangiectasies (n=3) et d’infiltrat inflammatoire périvasculaire (n=2).
Conclusion: Notre étude montre une incidence relativement faible de l’ochronose exogène en pratique hospitalière. Elle est principalement liée à l’utilisation prolongée de produits éclaircissants contenant de l’hydroquinone. La dermoscopie constitue un outil diagnostique intéressant de l’ochronose exogène, et permet en outre de mieux comprendre son mécanisme de survenue.
Mots-clés: Ochronose exogène, Dépigmentation cosmétique, Hydroquinone, Dermatoscopie
INTRODUCTION
La dépigmentation cosmétique demeure un véritable phénomène de société dans de nombreux pays d’Afrique sub-Saharienne. Sa prévalence varie de 32 à 74% selon les pays [1]. Au Sénégal, la dépigmentation cosmétique concerne 67% de la population féminine [2]. Elle est responsable de nombreuses complications dermatologiques et aussi systémiques [2,3]. L’ochronose exogène est l’une de ses complications dermatologiques les plus classiques, secondaire à l’application prolongée de produits éclaircissants contenant de l’hydroquinone [4]. Elle se traduit habituellement par une hyperpigmentation acquise siégeant au niveau des zones photo-exposées [5]. Ainsi, l’ochronose exogène apparait comme une affection très inesthétique et stigmatisante, dont la prise en charge est réputée très difficile et décevante. Toutefois, il existe très peu d’études qui décrivent spécifiquement les différentes caractéristiques de cette affection dermatologique. Notre objectif était de déterminer les aspects épidémiologiques, anatomocliniques et dermoscopiques de l’ochronose exogène au CHU de Dakar.
MATERIEL ET METHODES
Il s’agissait d’une étude prospective descriptive multicentrique, réalisée dans les services de dermatologie de l’hôpital Aristide le Dantec et de l’hôpital Institut d’Hygiène Sociale de Dakar, sur une période de 6 mois (du 1er avril au 30 septembre 2019). Étaient inclus tous les patients consultant pour une ochronose exogène. La dermoscopie était réalisée chez tous les malades.
RESULTATS
Nous avons colligé 47 patients, tous de sexe féminin, d’une moyenne d’âge de 43,5 ans avec des extrêmes de 25 et 63 ans. L’âge moyen de début de la dépigmentation cosmétique était de 24,8 ans et la durée moyenne de pratique de la dépigmentation était de 17,3 ans. Les produits éclaircissants utilisés par nos patientes étaient à base d’hydroquinone seule dans 72,3% des cas, d’association hydroquinone-dermocorticoïde dans 21,3% et de sels de mercure dans 6,4%. Le délai moyen d’apparition de l’ochronose exogène par rapport au début de la dépigmentation cosmétique était de 8,8 ans avec des extrêmes de 1 et 17 ans. Un délai d’apparition supérieur à 5 ans était retrouvé dans 85,1% des cas. La durée moyenne d’évolution de l’ochronose exogène était de 9,7 ans. Chez la majorité des cas (91,5%), les lésions d’ochronose étaient à type de placards pigmentés surmontés de micropapules réalisant un aspect granuleux. Elles étaient prurigineuses dans 23,4% des cas. Selon leur sévérité, les lésions d’ochronose étaient classées stade 2 de Dogliotti dans 87,2% des cas, stade 1 dans 8,5% et stade 3 dans 4,3%. La région malaire était le site le plus affecté (89,4%), suivie de la nuque (42,6%) et des avant-bras (40,4%) (Figs. 1a et 1b) (Tableau 1). A la dermoscopie, toutes les patientes présentaient des structures globulaires irrégulières, gris-bleuâtres, de forme annulaire ou arciforme, localisées autour des follicules pileux (Fig. 2a). La présence d’un réseau vasculaire télangiectasique était retrouvé dans 36,2% des cas (Fig. 2b). La biopsie cutanée, réalisée chez 8 patientes, montrait un épiderme atrophié (n=7), avec des anomalies au niveau du derme superficiel et moyen, à type de fibrose intense faite de fibres collagènes épaissies et basophiles (n=8), de dépôts de pigments jaune dorés tantôt en forme de “ banane ”, tantôt trapézoïdes (n=6), de capillaires télangiectasiques (n=3) et d’infiltrats inflammatoires périvasculaires (n=2).
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Tableau 1: Répartition selon la topographie des lésions d’ochronose exogène. [Distribution of exogenous ochronosis lesions by topography]. |
DISCUSSION
Notre étude montre une incidence relativement faible de l’ochronose exogène en pratique hospitalière à Dakar avec seulement 47 cas rapportés sur une période de 6 mois. Les incidences les plus élevées sont rapportées par les séries sud-africaines [6,7]. L’affection semble beaucoup plus rare chez les Afro-américains, comme en atteste les 25 cas rapportés par Lazar et al. sur une période de 10 ans [8]. Par ailleurs, il est important de noter que l’ochronose exogène n’est pas l’apanage des sujets ayant la peau foncée. Des cas ont été également rapportés chez les Hispaniques et même chez les Asiatiques pratiquant la dépigmentation cosmétique ou utilisant l’hydroquinone à des fins thérapeutiques [9,10].
Dans notre étude, l’ochronose exogène survenait le plus souvent chez les femmes d’âge moyen autour de la quarantaine. Un profil similaire a été rapporté par Ishack et al. dans une revue systématique sur l’ochronose exogène associée à l’hydroquinone [4]. La fréquence nettement plus élevée de l’ochronose exogène chez les femmes s’explique en grande partie par une prévalence plus élevée de la dépigmentation cosmétique dans la population féminine. En outre, les femmes ont plus tendance à aller consulter pour des raisons esthétiques. Concernant l’âge de survenue de l’ochronose exogène, il serait dépendant de l’âge de début de la dépigmentation cosmétique, du délai d’apparition de l’ochronose exogène et de sa durée d’évolution, comme constaté dans notre étude. Par ailleurs, le long délai d’apparition de l’ochronose exogène semble être corrélé à la durée de la dépigmentation cosmétique.
Dans notre étude, plus de 93% des patientes présentant une ochronose exogène utilisaient des produits éclaircissants contenant de l’hydroquinone. Ce taux était de 88% dans la série de Hardwick et al. [11]. L’association entre l’ochronose exogène et l’hydroquinone est bien établie dans la littérature, mais la pathogénie exacte demeure non élucidée. Plusieurs théories ont été avancées dont, notamment, l’activation de la tyrosinase par les produits de dégradation phénolique augmentant la synthèse de mélanine, et l’accumulation de l’hydroquinone dans le derme papillaire conduisant à la fixation des produits de dégradation phénolique, qui, sous l’effet du soleil, entrainent une réaction excessive des mélanocytes [12,13]. Cependant, la théorie la plus admise à ce jour a été avancée par Penneys, qui évoque une inhibition compétitive de l’homogentisate 1,2-dioxygénase entrainant une accumulation locale de l’acide homogentisique et de ses métabolites qui vont polymériser pour former le pigment ochronotique dans le derme papillaire [14]. L’hydroquinone est présente dans les produits éclaircissants à des concentrations très élévées supérieures à 2% augmentant le risque d’effets indésirables. Le rôle du soleil semble évident dans la survenue de l’ochronose exogène expliquant ainsi la localisation des lésions sur les zones photo-exposées.
Dans notre étude, plus de 90% des patientes présentaient un aspect clinique typique de l’ochronose exogène, fait de placards pigmentés surmontés de micro-papules donnant un aspect granuleux en “ grains de caviar ” localisées sur les zones photo-exposées. La plupart de ces lésions correspondaient au stade 2 de Dogliotti. L’aspect dermoscopique était tout aussi caractéristique chez nos patientes, montrant dans tous les cas des structures globulaires irrégulières gris-bleuâtres localisées autour des follicules pileux. Des observations similaires ont été rapportées par Charlín et al. et par Romero et al. [15,16]. La coloration gris-bleuâtre des structures globulaires serait liée à leur localisation dermique. Cependant, la particularité de notre étude réside sur le fait qu’elle soit la première à rapporter des anomalies vasculaires de l’ochronose exogène à la dermoscopie avec la présence de réseaux capillaires télangiectasiques. Ces anomalies vasculaires seraient probablement liées à l’activité des dermocorticoïdes que certaines patientes associaient à l’hydroquinone dans les produits éclaircissants. Il n’est pas rapporté dans la littérature une quelconque action de l’hydroquinone sur le réseau capillaire dermique. Par ailleurs, il existait dans notre étude une certaine corrélation entre les aspects observés à la dermoscopie et les résultats histopathologiques obtenus chez certaines de nos patientes. Ainsi, la dermoscopie se positionne comme un outil alternatif non invasif qui aide à mieux asseoir le diagnostic de l’ochronose exogène.
CONCLUSION
L’ochronose exogène est un trouble pigmentaire rare en pratique hospitalière à Dakar malgré l’ampleur de la dépigmentation cosmétique. Elle est principalement liée à l’utilisation prolongée de produits éclaircissant contenant de l’hydroquinone. Si les aspects cliniques de l’ochronose exogène sont très évocateurs, la dermoscopie se positionne comme un outil diagnostique intéressant, qui permet en outre de mieux comprendre son mécanismes de survenue.
Statement of Human and Animal Rights
All the procedures followed were in accordance with the ethical standards of the responsible committee on human experimentation (institutional and national) and with the 2008 revision of the Declaration of Helsinki of 1975.
Statement of Informed Consent
Informed consent for participation in this study was obtained from all patients.
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