Profil épidémiologique des toxidermies à Dakar : Etude de 200 cas

[Epidemiology of toxidermia in Dakar: Study of 200 cases]

Fatimata Keita, Boubacar Ahy Diatta, Ndiaye Coumba, Aminata Deh, Khadim Diop, Ndour Niare, Maodo Ndiaye, Assane Diop, Saer Diadie, Suzanne Oumou Niang

Service de Dermatologie de l’hôpital Aristide Le Dantec / Université Cheikh Anta Diop, 30, avenue Pasteur BP: 16520 Dakar, Senegal

Corresponding author: Fatimata Keita, MD, E-mail: fatimatakeita@yahoo.fr

How to cite this article: Keita F, Diatta BA, Coumba N, Deh A, Diop K, Niare N, Ndiaye M, Diop A, Diadie S, Niang SO. Epidemiology of toxidermia in Dakar: Study of 200 cases. Our Dermatol Online. 2022;13(Supp. 2):40-44.
Submission: 17.08.2022; Acceptance: 24.09.2022
DOI: 10.7241/ourd.2022S2.4

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ABSTRACT

Background: Previous studies in Africa have shown severity of toxidermia with a risk of mortality and mucosal synechia. Our objective was to study the epidemiological, clinical, etiological and evolutionary aspects of toxidermia in Dakar.

Methods: A cross-sectional retrospective study was conducted at the Department of Dermatology of the Hospital Le Dantec from January 2001 to December 2015. She identified all of the toxidermia cases of hospitalization in this department. The diagnosis was based on the French criteria for drug accountability.

Results: Two hundred cases of toxidermia were recorded. The hospital frequency was 9.2%. The sex ratio was 0.61. The average age was 33 years. Clinical forms of bullous toxidermia were Stevens Johnson/Lyell in 54% (n = 108), erythema multiforme in 3% (n = 6), and fixed pigmented erythema in 2% (n = 4). Mucosal involvement was noted in 56.5% (n = 113). Visceral involvement was noted in 15% (n = 30) with respiratory involvement in 24 cases of SSJ/NET and 6 cases of DRESS. The drugs identified were antibiotics in 38,7% (n = 53), analgesics in 15,3% (n = 21), anti-comitials in 13,1% (n = 18), antiretrovirals in 11,7% (n= 16), antituberculosis drugs in 9,5%% (n = 13) and medicinal plants in 11,7% (n = 16). The outcome was favorable in 62.5% (n = 125). Death was noted in 12%.

Conclusion: Toxidemia in Dakar are characterized by predominance in severe clinical forms in young adults and mortality was related to infectious and hydro electrolyte complications.

Key words: Epidemiology; Toxidermia; Dakar


RÉSUMÉ

Introduction: Les études antérieures réalisées en Afrique ont montré une gravité des toxidermies avec une mise en jeu du pronostic vital et un risque élevé de synéchies des muqueuses. Notre objectif était d’étudier les aspects épidémiologiques, cliniques, étiologiques et évolutifs des toxidermies à Dakar.

Méthodes: Une étude rétrospective transversale a été menée au service de Dermatologie de l’Hôpital Le Dantec de Janvier 2001 en Décembre 2015. Elle a recensé tous les cas de toxidermie hospitalisés dans ce service. Le diagnostic était établi sur la base des critères français d’imputabilité médicamenteuse.

Résultats: Deux cent cas de toxidermie ont été recensés.la fréquence hospitalière était de 9,2%. Le sexe ratio de 0,61.L’âge moyen était de 33 ans. Les toxidermies bulleuses étaient à type de Steven Johnson/Lyell dans 54% (n=108), d’érythème polymorphe dans 3% (n=6) et d’érythème pigmenté fixe dans 2% (n=4). L’atteinte des muqueuses était notée dans 56,5% (n=113). L’atteinte viscérale était notée dans 15% (n=30) avec une atteinte respiratoire dans 24cas de SSJ/NET et 6cas de DRESS. Les médicaments identifiés étaient les antibiotiques dans 38,7% (n=53), les antalgiques dans 15,3% (n=21), les anti comitiaux dans 13,1% (n=18), les antirétroviraux dans 11,7% (n=16), les antituberculeux dans 9,5% (n=13) et les plantes médicinales dans 11,7% (n=16). L’évolution était favorable dans 62,5% (n=125). Le décès était noté dans 12%.

Conclusion: Les toxidermies à Dakar sont caractérisées par une prédominance chez l’adulte jeune des formes cliniques sévères et la mortalité était liée aux complications infectieuses et hydro électrolytiques.

Mots clés: Epidémiologie; Toxidermies; Dakar


INTRODUCTION

Les toxidermies sont des accidents cutanés, muqueux ou phanériens secondaire à une prise de médicaments par voie générale. Elles se distinguent par leur polymorphisme clinique allant des formes bénignes aux formes graves à type de syndrome de Lyell ou de DRESS syndrome (Drug reaction with oesinophilia and systemic symptoms) [13]. Leur gravité est liée aux complications hydro électrolytiques, infectieuses, aux synéchies des muqueuses et à la défaillance multi viscérale [47]. Plusieurs études ont été réalisées à Dakar portant sur les atteintes muqueuses au cours des toxidermies, les effets cutanés néfastes des plantes médicinales et les toxidermies au cours de l’infection par le VIH [5,8,9]. Ces études ont montré la gravité de ces réactions indésirables cutanées et le risque élevé de synéchies des muqueuses. Notre objectif était d’étudier les aspects épidémiologiques, cliniques, étiologiques et évolutifs des toxidermies à Dakar.

MÉTHODES

Une étude rétrospective transversale a été menée au service de Dermatologie de l’Hôpital Aristide le Dantec de Janvier 2001 en Décembre 2015 soit une durée de 14ans. Elle a recensé tous les cas de toxidermie hospitalisés dans ce service. Le diagnostic de toxidermie était établi sur la base des critères d’imputabilité intrinsèque et extrinsèque. Les critères intrinsèques étaient chronologiques (délai d’apparition des lésions, évolution après arrêt ou réintroduction accidentelle), sémiologiques (une sémiologie évocatrice d’une toxidermie, des facteurs favorisants, des tests cutanés). Les critères extrinsèques étaient basés sur les données statistiques rapportées dans la littérature. Les paramètres étudiés étaient les aspects épidémiologiques, cliniques et évolutifs. La saisie et l’analyse des données ont été réalisées grâce au logiciel SPSS version 17.

RÉSULTATS

Deux cent cas de toxidermie ont été recensés. Ils ont représenté 9,2% des 2175 malades hospitalisés durant cette même période. Le sexe ratio était de 0,61 (124 femmes et 76 hommes), l’âge moyen était de 33 ans avec des extrêmes de 6 à 84 ans. Une affection sous jacente était notée dans 44,5% (n=89). Elle était représentée par les dermatoses communes dans 33,7% (n=30), une épilepsie dans 22,5% (n=20), une tuberculose dans 16,8% (n=15), une infection par le VIH dans 7,8% (n=7), un diabète dans 8,9% (n=8) et une grossesse dans 10,1% (n= 9). Les dermatoses étaient un eczéma dans 21cas, un psoriasis dans 5cas et un lupus dans 4cas. Les principales formes cliniques de toxidermie sont illustrées sur le Tableau 1. Les toxidermies bulleuses étaient notées dans 59% (n=118) parmi lesquelles le spectre allant du Steven Johnson à la nécrolyse épidermique toxique (SSJ/NET) (Fig. 1) dans 54% (n=108), l’érythème polymorphe (Fig. 2) dans 3% (n=6) et l’érythème pigmenté fixe bulleux (Fig. 3) dans 2% (n=4). L’atteinte des muqueuses était notée dans 56,5% (n=113). Cette atteinte muqueuse était d’une part unique (muqueuse buccale) dans 35,3% (n=44) au cours des toxidermies bulleuses dans 37cas, de l’érythrodermie dans 7cas et 3cas de toxidermie lichénoide. D’autre part elle était multiple (muqueuse buccale, oculaire, génitale) dans 64,6% (n=86) au cours des toxidermies bulleuses dans 61 cas, de l’érythème pigmenté fixe dans 12cas, de la pustulose exanthématique aigue généralisée dans 8cas et 5cas d’érythrodermie.

Tableau 1: Répartition des différentes formes cliniques de toxidermie.
Figure 1: Syndrome de Lyell (a) et de Steven Johnson (b).
Figure 2: Erythème polymorphe.
Figure 3: a and b Erythème pigmenté fixe.

Les manifestations extra cutanées étaient notées dans 15% (n=30) avec atteinte respiratoire dans 24cas de SSJ/NET et 6cas de DRESS.

Une poly médication était notée dans 41% (n=82).Les médicaments étaient identifiés dans 68,5% (n=137) parmi lesquels les antibiotiques dans 38,7% (n=53), les antalgiques dans 15,3% (n=21), les anti comitiaux dans 13,1% (n=18), les antirétroviraux dans 11,7% (n=16), les antituberculeux dans 9,5% (n=13) et les plantes médicinales dans 11,7% (n=16). Les différentes molécules incriminées sont répertoriées sur le Tableau 2. L’arrêt des médicaments était systématique. Le traitement était symptomatique associé une corticothérapie dans les cas de DRESS. L’évolution était favorable dans 62,5% (n=125). Les complications étaient une anémie dans 43% (n=86), une hyponatrémie dans 40% (n=80), une hypokaliémie dans 10% (n=20), une surinfection dans 14,5% (n=29), une cicatrice hyper pigmentée dans 21,6% (n=13), une synéchie des muqueuses dans 8,3% (n=5) et des escarres dans 0,9% (n=1). Le décès était noté dans 12% (n=24) dans un contexte de sepsis sévère dans 3,5% (n=7) et de défaillance multi viscérale dans 8,5 % (n=17).

Tableau 2: Médicaments incriminés dans les toxidermies.

DISCUSSION

Notre étude est particulière par la fréquence de survenue des toxidermies chez l’adulte jeune, la prédominance des formes sévères à type de SSJ/NET dans 54% (n=108), la polymédication et la gravité des complications infectieuses et viscérales avec un taux de mortalité à 12%. L’épidémiologie des toxidermies dans notre étude est similaire à celle rapportée en Afrique subsaharienne (Tableau 3) avec une prédominance chez l’adulte jeune et une sévérité des formes cliniques de toxidermies [2,3].

Tableau 3: Etude comparative du SSJ/NET en fonction des séries.

Une pathologie sous jacente était fréquemment notée dans 44,5% (n=89) et justifiait le plus souvent la prise médicamenteuse ou une consultation chez des tradipraticiens. Il s’agissait essentiellement des dermatoses communes, de l’épilepsie, de la tuberculose, du diabète et de l’infection par le VIH.

L’infection par le VIH est un facteur de risque connu des toxidermies et les antirétroviraux constituaient la deuxième cause de toxidermies dans les séries africaines [2,911]. Les toxidermies bulleuses à type de SSJ/NET étaient prédominantes. Elles étaient associées à des complications hydro électrolytiques et infectieuses. Ceci pourrait expliquer la mortalité élevée dans toutes les séries rapportées dans la littérature [2,7,12]. Les atteintes muqueuses sont plus fréquentes au cours des toxidermies bulleuses sévères avec un risque de synéchies pouvant être source de cécité [57].

Les toxidermies aux plantes médicinales sont de plus en plus observées au Sénégal. Les plantes traditionnelles malgré leurs effets bénéfiques, constituent l’une des premières causes de toxidermies rapportées au Sénégal [8]. Les facteurs favorisants sont: l’auto médication, la poly médication et l’absence de pharmacovigilance sur la vente illicite des médicaments.

CONCLUSION

Les toxidermies à Dakar sont caractérisées par une prédominance chez l’adulte jeune des formes cliniques sévères et leur gravité liée aux complications infectieuses avec un taux de mortalité à 12%. La survenue des toxidermies aux plantes traditionnelles est de plus en plus notée au Sénégal. L’arrêt des médicaments inducteurs et la prise en charge symptomatique permettent d’améliorer le pronostic des malades.

Consent

The examination of the patient was conducted according to the principles of the Declaration of Helsinki.

The authors certify that they have obtained all appropriate patient consent forms, in which the patients gave their consent for images and other clinical information to be included in the journal. The patients understand that their names and initials will not be published and due effort will be made to conceal their identity, but that anonymity cannot be guaranteed.

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